Quomodo Vales ?

Friday, November 24, 2006

Le sport à Paris face à la haine, le racisme et la xénophobie

J'aurais bien aimé écrire sur le Paris St-Germain, mon club de coeur, pour vanter ses exploits sur le terrain, pour évoquer son parcours sportif, ses prochaines recrues et des titres qu'il va remporter... La présente réflexion est hélas! à des années-lumière du sportif (du ludique), bienqu'elle soit forcément étroitement liée à ses dérives.
Ca fait longtemps que je souhaitais écrire sur l'autre face du club de la capitale. Le drame qui est survenu hier aux abords du Parc des Princes (un mort et un homme grièvement blessé, pour ceux qui ne le savent pas), à l'issue et en marge du match perdu contre le club israëlien d'Hapoël Tel-Aviv (2-4) me donne l'opportunité de m'épancher sur un aspect particulier d'une frange des supporters du PSG. Je tiens ici à livrer un avis sans complaisance, sans céder à un amalgame facile et dangereux comme celui de considérer tous les supporteurs de ce club comme des voyous, des hooligans, des racistes xénophobes antisémites.
C'est vrai qu'on ne parle jamais des trains qui arrivent à l'heure. Dans les rubriques faits divers autour de ce club, on n'entend parler que des agissements condamnables de ces quelques 200 à 400 abrutis. Or il y a environ 40000 spectateurs au Parc des Princes à tous les jours de matches. Tous ces gens ne sont pas heureusement ceux que je viens de décrire ci-dessus. On a tendance malheureusement à oublier qu'il s'agit d'honnêtes gens, des pères de familles, des enfants bien éduqués qui viennent au stade pour faire la fête et bien sûr pour soutenir leur équipe favorite.
Evitons donc tout amalgame et tout jugement simpliste hâtif qui, au lieu de contribuer à la recherche de solutions appropriées, sème la confusion et jette le discrédit à ceux qui défendent les valeurs du sport. Notre devoir sera de dénoncer cette frange de gens rongés par la haine, le racisme et la xénophobie.

Pour revenir à ce drame, c'est un sentiment de révolte, de colère et d'indignation qui préside à mon propos. J'ai été profondément choqué par ces violences. Selon les témoins, un policier "noir" au secours d'un supporteur "israëlien" agressé par les hooligans aurait tiré mortellement sur un supporter et blessé un autre avant de se réfugier avec lui dans un MacDonald's. Les termes entre guillements sont choisis délibérément pour souligner la nature de cette violence et les intentions des assaillants. Ils étaient plus de 150 à la poursuite des deux fugitifs, criant "Sale Nègre, sale Juif [...] Blanc Bleu Rouge, la France aux Français"!

De tels propos sont inadmissibles et dangereux dans un pays où les valeurs républicaines sont érigées comme le ciment de la vie nationale. Leurs auteurs doivent être poursuivis et condamnés de façon exemplaire. Si le fait d'être de race noire ou de confession juive est synonyme de non appartenance à la nation française, que vont devenir des millions de citoyens originaires des Antilles, des Juifs français, des Noirs naturalisés ainsi que d'autres qui vivent légalement sur le territoire national?

Pourquoi le PSG n'arrive-t-il pas à gérer ses supporters?

Personne ne doit s'étonner de ce qui arrive. C'était prévisible. Plusieurs signaux ont été ont été envoyés au club et aux instances dirigeantes du football français. Car ça fait plusieurs années que le club de la capitale est confronté au problème de hooliganisme, de racisme et de xénophobie. Les riverains ont tiré la sonnette d'alarme à de nombreuses reprises. Mais jusqu'au drame de jeudi soir, les différents staffs dirigeants qui se sont succédé ne semblent pas avoir compris l'ampleur réelle du problème. Ignorance, indifférence, naïveté, complaisance ou manque de volonté et de courage des dirigeants parisiens et du football français?
Les fauteurs de troubles sont pourtant connus des différents services de sécurité : ceux du club et ceux de la préfecture de police. Le Parc des Princes est truffé de caméras de surveillance qui permettent de filmer dans les moindres détails les agissements des supporteurs, ils ne se cachent même pas. On ne peut ne pas les connaître, à moins d'être aveugle. Ils sont fichés.
Personne n'a jamais voulu trancher dans le vif, ce serait, dit-on, se priver d'une recette considérable car ces pseudo-supporteurs payent annuellement leur abonnement.
Concentrés pour la plupart dans le Kop de Boulogne, ils font la pluie et le beau temps que ce soit au stade ou au terrain d'entraînement du Camp des Loges. Quand ils réclament la tête d'un entraîneur la direction s'incline, celle d'un dirigeant peu complaisant avec eux, c'est pareil. Les exemples du limogeage de Vahid Halilhodzic (entraîneur) et de Francis Graille (président) illustrent notre propos.
Même les joueurs de couleur n'échappent pas à la règle. Le traitement réservé à George Weah lors de son dernier match sous les couleurs parisiennes vient, encore une fois si besoin en était, nous rappeler qu'il n'est pas facile d'évoluer devant cette frange du public parisien quand on est de race noire.
Pour mesurer l'étendue de leur influence, un entraîneur a pu sauver sa tête grâce à leur soutien. Là encore la direction a passé l'éponge, et ce en dépit des résultats catastrophiques du technicien
Fait rarissime dans l'histoire du sport, les pensionnaires du Kop de Boulogne s'en sont pris pendant plusieurs mois à ceux du Kop d'Auteuil. Il faut dire que ces derniers sont en majorité issus des milieux modestes, on y voit côtes à côtes des Arabes, des Noirs et des Blancs vibrer à l'unisson derrière leur équipe. Des réunions internes au club se sont multipliées l'année dernière en vue de mettre fin à plusieurs bagarres entre ses supporters, dont la plus spectaculaire a été signalée près du Mans, sans résultats. Il a fallu l'intervention du ministère de l'Intérieur pour que la tension baisse.

Mais comment faire comprendre à ces abrutis que le football reste avant tout un jeu si parmi ceux qui nous dirigent certains pensent comme eux? Voyez-vous les propos tenus récemment par Georges Frèche, Président du Conseil régional du Languedoc-Roussillon, selon lesquels il ne se reconnaît plus dans cette équipe de France composée de joueurs noirs, ne peuvent que mettre de l'huile sur le feu. Nous sommes dans un contexte de vive tension entre communautés et un responsable politique digne de ce nom devrait mesurer la portée de ses propos.
Ces pseudo-supporteurs n'ont rien à faire dans un stade de football. Celui-ci n'est pas un exutoire de sentiments de haine, de racisme, de xénophobie et de violence. Celui qui n'a pas compris que cette arène est un endroit où des familles peuvent venir faire la fête, admirer le spectacle et non pas la barbarie, il n'y a pas sa place. Chacun a le droit de venir assister à un match de foot sans crainte que son intégrité physique soit mise en danger .
Le Kop de Boulogne est une honte pour le Paris Saint-Germain, pour Paris, pour la société française.
La justice déterminera les responsabilités dans cette affaire dramatique, mais d'ores et déjà on peut considérer que la mort de ce jeune homme aurait pu être évitée si tout le monde, chacun à son échelle, avait assumé ses responsabilités.
En appliquant une véritable thérapie de choc, les Anglais sont parvenus à assainir leurs stades. Ils ont réussi à éradiquer le hooliganisme sous toutes ses formes, mais il a fallu que les politiques et les instances dirigeantes anglaises fassent preuve de fermeté.
C'est apparemment cette fermeté qui manque aux responsables du PSG, de la Fédération française de Football, de la Ligue Professionnelle de Football, sans oublier les autorités ministérielles et préfectorales. Ce n'est plus le moment de se contenter de mesurettes, comme la dissolution ou l'interdiction de ventes de billets à ces groupes nuisibles. Il est temps d'agir si on ne veut pas que de tels drames se reproduisent.

Friday, November 03, 2006

Le mur entre les Etats-Unis et le Mexique: une énième grave erreur

Il y a 17 ans la chute du Mur de Berlin était saluée presqu'à l'unanimité comme un événement historique. Un grand nombre de commentateurs politiques, sociologues, philosophes, humanistes et autres, y voyaient l'avènement d'une ère nouvelle, le symbole d'une démocratie triomphant de la dictature communiste. D'autres encore mus par des desseins mercantiles y ont vu le triomphe sans appel d'un mode de vie aux dépens d'un autre, à savoir du monde libéral sur la société collectiviste d'un autre âge.
Mais au fond, aujourd'hui, quelles leçons avons-nous rééllement tiré de cette prometteuse rencontre entre les peuples de l'Ouest et ceux de l'Est? Quand on voit l'évolution des sociétés au 21è siècle, force est de constater que le chemin est encore long à parcourir. Les espoirs suscités par la chute du rideau de fer ont cédé la place à la paranoïa, à une véritable schizophrénie et au repli des peuples sur eux-mêmes. Ce mur honni de son temps est devenu le socle des politiques du tout sécuritaire suivies aujourd'hui par deux grandes démocraties occidentales, les Etats-Unis et Israël en l'occurrence.
On sait à peu près tout du mur de sécurité érigé par le gouvernement israëlien qui a fait l'objet de nombreux débats. Dans cette nouvelle réflexion, je m'intéresserai naturellement au Mur de la honte, récemment approuvé par l'administration Bush, qui devrait, selon elle, contribuer à combattre l'immigration illégale le long de la frontière américano-mexicaine.

Et pourtant ils étaient fiers d'avoir fait tomber le mur de Berlin

L'ironie du sort, les Américains dont les alliés européens ont profondément souffert du rideau de fer ont tout mis en oeuvre pendant la guerre froide pour le démantèlement de celui-ci en 1989. Dans la foulée, c'est tout à fait logiquement que George Bush Sr, content des efforts fournis par son oeuvre, avait clamé haut et fort que le monde allait enfin vivre un nouvel ordre mondial, dans lequel la démocratie, la justice et la liberté se posaient dorénavant comme des valeurs intangibles.
Le discours était émouvant devant une belle brochette de personnalités et relayé par les grandes chaînes de télévisions internationales.
Que d'espoirs déçus aujourd'hui! Les odieux attentats du 11 septembre passant par là, l'administration dirigée par le fiston du paternel, confrontée à l'enlisement dans la crise irakienne, a cette fois encore innové en promulgant cette loi absurde autorisant la construction d’un mur long de 1126 kilomètres sur les 3200 que se partagent les États-Unis et le Mexique. Ce qu'on ne dit pas mais personne n'est dupe pour le comprendre c'est que derrière la volonté affichée de lutter contre l'immigration illégale des Mexicains, Bush et sa clique pensent trouver un moyen intelligent de combler leur déficit de popularité qui bat les records à la veille d'une échéance électorale importante. En ce début de novembre, les citoyens américains sont en effet appelés aux urnes pour le renouvellement partiel des mandats.
On l'aura bien compris les Républicains cherchent déséspérément à glaner quelques voix par-ci par-là. Et le thème de la sécurité avec son corollaire l'immigration clandestine constitue un terreau privilégié pour reconquérir cette Amérique profonde isolationniste qui a porté Bush au pouvoir pour un deuxième mandat il y a deux ans. Les Démocrates ne s'y sont pas trompé, ils ont critiqué avec véhémence cette loi inique dénonçant le détournement de l'opinion, pointant sa lassitude après des échecs répétés de la politique étrangère de l'actuelle équipe.


Nos enfants iront le visiter comme n'importe quel monument touristique

Par son aspect physique matériel, ce mur sera constitué de barres d’acier renforcés par tout un système de surveillance sophistiqué avec des caméras infra-rouges, des drônes (avions sans pilotes) et des moyens d'écoutes technologiques dernier cri. Il passera dans quatre États du Sud des États-Unis, la Californie, l’Arizona, le Nouveau-Mexique et le Texas. Ce dispositif sera également renforcé par la présence des milliers de gardes-frontières. Rappelons que le reste de la frontière est constitué de larges contrées désertiques et en conséquence pas besoin d'y étendre le dispositif, personne ne pouvant s'y aventurer.
Ce mur est considéré par les experts comme le plus sophistiqué de toutes les barrières connues à ce jour. Certains n'ont pas hésité à dire que c'est la plus grande construction de l’histoire humaine après la Muraille de Chine. Le parallèle est troublant. Ainsi donc, nos enfants et les générations futures iront le visiter en tant qu'oeuvre touristique du début du troisième millénaire. Les guides nous vanteront probablement le génie artistique des ingénieurs américains! Ils devront sans doute payer pour voir cette oeuvre honteuse!

On peut néanmoins se poser la question de l'efficacité d'un tel dispositif. Tout au long de la deuxième moitié du 20è siècle, le Mur de Berlin a scindé l'humanité en deux mondes antagonistes. On s'est rendu compte que ce fut une grave erreur. Le Mur des Américains comme celui des Israëliens renforce une barrière déjà inadmissible, inquiétante entre l'Occident riche et opulent et le monde des pauvres, comme si le fossé n'était pas déjà assez profond.
Alors, s'agit-il réellement de sécuriser et protéger les citoyens américains comme le disent les partisans de George Bush? A l'aune de ce qu'on observe entre Israël et la Palestine je me permets d'exprimer des doutes sur son efficacité. Ce n'est pas pour autant que les attentats-suicide et leur coltège de morts et de désolations ont disparu. Il va certainement réduire le nombre des entrées clandestines, elles sont estimées aujourd'hui à 40000 par jour, mais croire que l'immigration zéro est possible avec ce mur est une illusion, un pur fantasme. Au contraire, il va contribuer à engraisser les passeurs, les réseaux mafieux qui vont demander des sommes astronomiques pour faire franchir les demandeurs de l'autre côté de la frontière. Le Gouvernement mexicain qui a profondément regretté que son homolohgue américain ne l'ait pas associé à la prise de décision, ne s'est pas gêné pour railler le manque de discernement des Américains. En effet une barrière identique quoique moins longue (300 km) existe déjà sur la frontière avec la Californie, mais le flux migratoire ne s'est jamais arrêté.

Ne perdons pas de vue que, quelles que soient les mesures prises pour contrôler la frontière, il est ici question de survie pour ces milliers de Mexicains et que de l'autre côté aussi on profite de cette main-d'oeuvre abondante moins coûteuse. Que vont devenir ces fermiers, tous ces promoteurs immobiliers américains privés de leurs ouvriers du Sud? On peut redouter des pertes de plusieurs centaines de millions de dollars. Autant dire un serpent qui se mord la queue...